L'histoire des Boulanger et des Langlois

En passant par les Paul et les Blais. De la Nouvelle-France à aujourd'hui.


Pourquoi avoir dénigré les Filles du Roy ?

Quatrième article dans la série sur les Filles du Roy. Au total sur ce site, je prévois environ une dizaine d’articles consacrés à ce sujet au cours des prochains mois. Le sujet est important car chez les premières ancêtres de nos quatre familles. trois avaient une Fille du Roy à l’origine.

Si vous avez déjà entendu parler des Filles du Roy par le passé, ce n’était probablement pas en termes positifs. Méritaient-elles ce que l’on a dit à leur sujet, même après trois siècles ? Faisons un survol de ce qu’on en disait à l’époque et ce, des deux côtés de l’Atlantique.

J’ai beaucoup appris en effectuant mes recherches sur le sujet pour la rédaction des deux chapitres sur ces Filles du Roy, qui ont eu un impact important lors de la fondation de beaucoup de familles québécoises. J’en ai maintenant un portrait beaucoup plus nuancé que ce que certains d’entre vous ont probablement entendu à travers les années. La simple conclusion est qu’il ne faut pas écouter ceux qui ne savent pas.

Qui sont ces femmes qui ont laissé tout tomber pour aller commencer une nouvelle vie en Nouvelle-France alors que la rumeur indiquait clairement que la vie y est difficile et dangereuse?

Tout d’abord, attaquons-nous à la légende voulant que ces Filles du Roy n’étaient que des prostituées ou des ‘’filles de joie’’ qui ont été ‘’exportées’’ au Canada pour s’en débarrasser. Au contraire, l’historien québécois Jacques Lacoursière, qui a écrit ‘’L’histoire populaire du Québec’’ en cinq volumes qui totalisent près de 3,000 pages, conclut même que les Filles du Roy s’avèrent plus sages et plus instruites que les femmes de leur génération en France.

Danielle Pinsonneault qui a aussi écrit sur le sujet des Filles du Roy, relate dans un article daté de septembre 2016 pour la Fondation Lionel-Groulx que ces rumeurs seraient nées en France et provenaient surtout de la haute bourgeoisie de l’époque qui n’avait aucune sympathie particulière pour ces pauvres des classes populaires dont provenaient la grande majorité des Filles du Roy. Les juger de haut était bien vu. En revanche, il est vrai que le roi Louis XIV aurait envoyé dans les Antilles vers 1684 – soit 10 à 20 ans après l’époque des Filles du Roy – des ‘’femmes débauchées ou marquées au fer rouge’’. Cependant, peu de personnes à l’époque étaient capables de différencier l’Amérique du Canada de celle des Antilles, située à des milliers de kilomètres plus au sud. Ces deux événements non reliés ont donc contribué à perpétuer la confusion au fil des décennies.

Ces préjugés ont quand même continué à se propager bien que de nombreux responsables de l’époque et d’aujourd’hui ont fait leur possible pour contrer ces perceptions. On peut nommer l’Intendant Talon (photo de sa statue au Parlement de Québec), Monseigneur de Laval, Marie-de-l’Incarnation, les autorités religieuses ainsi que plusieurs historiens québécois de notre époque.

En guise d’exemple, prenons le cas de Pierre Boucher qui fut gouverneur de Trois-Rivières avant de fonder sa propre seigneurie et la ville de Boucherville qui porte aujourd’hui son nom. Il s’est porté à la défense des Filles du Roy – un peu naïvement il faut dire – à la suite des rumeurs persistantes propagées par un certain Baron de Lahontan :

‘’Il n’est pas vrai qu’il vient ici de ces sortes de filles, et ceux qui en parlent de cette façon se sont grandement mépris, et ils ont pris les îles de Saint-Christophe et de la Martinique pour la Nouvelle-France : s’il en vient ici, on ne les connaît pas pour tel, car avant de les embarquer, il faut qu’elles y aient quelques-uns de leurs parents ou amis qui assurent qu’elles ont toujours restées sages. Si par hasard, il s’en trouve quelques-unes de celles qui viennent, qui soient décriées, ou que pendant la traversée elles aient eu le malheur de se mal comporter, on les renvoie en France.’’

Deux facteurs militent objectivement en faveur d’une respectabilité plus noble de ces Filles du Roy. Le premier est celui du parrainage des religieuses qui les certifiaient comme des filles de bonnes mœurs. Pour dire les choses sèchement, la valeur de ces jeunes filles était essentiellement liée à leur utérus et à leur système reproducteur. Il fallait peupler la Nouvelle-France et vite. On disait qu’à l’époque, il n’y avait qu’une femme pour environ 14 hommes. Ce n’est pas avec un tel ratio que l’on peut imaginer accroître la population d’un territoire. Il fallait faire vite d’autant plus que certains hommes retournaient en France à défaut de pouvoir se marier et fonder une famille dans la nouvelle colonie.

Le processus de sélection faisait en sorte que l’on éliminait les candidates qui pouvaient se révéler des mauvaises ‘’brebis’’ pour le but recherché. Quant au second facteur, il est corollaire au premier et a trait aux résultats probants, c’est-à-dire au taux de fécondité incroyable des Filles du Roy, résultats qui sont incompatibles avec ces préjugés qui les réduisaient à des filles aux mœurs légères. Madame Pinsonneault y va encore plus directement :

‘’Ce sera la fécondité incroyable des Filles du Roy qui balaiera les dernières résistances. En effet, les connaissances médicales actuelles nous apprennent que si ces femmes avaient été des ‘’filles publiques’’, elles auraient été atteintes de maladies vénériennes qui rendaient les femmes stériles. Les antibiotiques n’étaient pas encore connus à l’époque, on ne pouvait les guérir. En mettant au monde 9, 12, 14 enfants ou plus, les Filles du Roy ont ainsi prouvé qu’elles étaient des ‘’femmes saines.’’

Basé sur ce seul argument, on peut avec assurance classer les trois Filles du Roy de notre famille dans cette catégorie de ‘’femmes saines’’. Au soir de leur vie en Amérique, nos trois ancêtres Filles du Roy pourront à elles seules mettre à leur actif rien de moins qu’un grand total de 29 enfants !!

On peut donc passer à autre chose…

La pauvreté était également une caractéristique importante pour la très grande majorité d’entre elles. Au-delà de 80% dit-on. Pour elles, commencer une nouvelle vie, même incertaine, était une façon d’espérer un demain meilleur comparé à leur situation actuelle en France et les perspectives futures qui les attendaient. L’Encyclopédie du patrimoine culturel de l’Amérique française, dans l’article ‘’Filles du Roi, mères de la nation québécoise’’, mentionne qu’après analyse sur les 176 Filles du Roi qui ont déclaré la profession du père, la plupart proviennent de milieux populaires. On mentionne généralement soit l’artisanat ou la paysannerie. Le même article mentionne d’autres aspects de leur condition sociale en France :

‘’Une autre caractéristique de ces Filles est qu’elles sont souvent orphelines : 56% le sont de père, 19% de mère et 11% des deux. Certaines ont déjà connaissance de la colonie, puisqu’une sur dix a déjà de la famille en Canada à son arrivée. Trente pour cent d’entre elles sont apparentées et voyagent donc ‘’en famille’’. A l’exception des Parisiennes qui sont plus scolarisées (à l’époque, les trois-quarts des Parisiens sont alphabétisés), seulement 20% des Filles sont en mesure de signer leur contrat de mariage.’’

Avant de raconter la traversée des trois Filles du Roy de nos quatre familles, je parlerai dans un prochain article du lien entre les Filles du Roy et l’Hôpital La Salpêtrière de Paris, dont on dit qu’environ le tiers du contingent total des 760 Filles du Roy répertoriés à ce jour originait de cette institution.

Source de la photo: Statue funéraire de Monseigneur de Laval à Québec (BAnQ).



À PROPOS DE CE SITE

Ce site est géré par Guy Boulanger. Il se veut un complément d’un livre à publier éventuellement qui racontera l’histoire de ma famille, à savoir la lignée familiale des Boulanger, celle des Langlois, celle des Paul et finalement celle des Blais.

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À venir très bientôt sur le site

  • Notre Élisabeth Cretel – Sa traversée de l’Atlantique
  • Vivement un mariage!
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  • Album de photos – Qui se rappelle de l’École Hébert?
  • Les enfants oubliés de Georges et Joséphine – Gédéon Langlois
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